Compteurs Linky : des clarifications en cours
En application d'une directive européenne de 2008 sur le marché intérieur de l'électricité, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit la généralisation des compteurs communicants appelés « Linky ».
Ces compteurs provoquent une forte inquiétude de la part des usagers et une mobilisation d’opposants qui parfois refusent le changement des compteurs.
La CLCV qui tient à informer les consommateurs (cf. notre quiz sur ce site) de la manière la plus objective qui soit tout en se référant au principe de précaution, constate que des réponses plus claires commencent à parvenir mais demande que les études soient poursuivies et que les fournisseurs clarifient leur position pour lever toutes les ambiguïtés.
1- Ondes : on y voit plus clair mais il faut poursuivre les études
Les signaux émis par le nouveau compteur transitent sur le réseau électrique domestique par superposition d'un signal de fréquence de 3 à 148 Khz à la fréquence de 50 hz du courant électrique.
C'est ce qu'on appelle la technologie courant porteur de ligne ou CPL, déjà utilisée pour le basculement heures pleines/heures creuses ou pour remplacer la connexion Wifi par une liaison en CPL. Les câbles des habitations n’étant pas blindés, le CPL pourrait, selon les opposants, générer des rayonnements nocifs.
A noter que pour la bande de fréquence CPL bas débit utilisée par les compteurs Linky (39-90 Khz), ces niveaux de référence maximum valent 6,25 µT (ou 5 v/m) pour le champ électromagnétique et 87 v/m pour le champ électrique.
Pour ERDF, le compteur Linky fonctionne comme le compteur actuel en enregistrant la consommation des foyers, sauf quand il est sollicité une fois par jour pour la télé-relève (collecte) des index de consommation. Cette transmission se fait entre minuit et 6 heures du matin et dure moins d’une minute. Il peut également être sollicité plusieurs fois par jour pour vérifier son bon fonctionnement ou pour d’autres tâches (télé-opération par exemple par le point relais extérieur).
Quand on compare l'exposition aux ondes liée à l'utilisation des objets de la vie courante, le nouveau compteur émet un champ électrique à proximité de l'appareil qui est identique à celui des compteurs actuels, soit 0,1 volt par mètre selon ERDF. Ce champ est à comparer à celui émis par d'autres sources électromagnétiques (ampoule basse consommation : 15 v/m, et surtout le téléphone portable trop vite oublié : 41 à 61 v/m).
Mais il ne faut pas confondre le champ émis à courte distance par un téléphone portable lors de la recherche d'une station de base (par exemple, 20 v/m lors de l'appel en bande GSM 900) et la limite de l'exposition aux ondes dans les fréquences de la téléphonie mobile (entre 37 et 61 v/m).
A noter que selon les expertises effectuées par le Centre de recherche et d’information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques (CRIIREM), les émissions atteignent 0,2 à 0,4 volt par mètre à une distance de
50 cm à 1 m, soit un niveau inférieur aux recommandations du Conseil de l’Europe (0,6 v/m).
L’Agence nationale des fréquences (ANFR) a publié les résultats de ses analyses en septembre 2016. Ceux-ci confirment que les niveaux des champs électriques et magnétiques évalués dans des logements et en laboratoire restent 200 fois en dessous de la valeur limite réglementaire (à 20 cm du compteur).
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), saisie par la Direction générale de la santé, confirme en décembre 2016 (voir https://www.anses.fr/fr/content/compteurs-communicants-des-risques-sanitaires-peu-probables) que les niveaux d’exposition au champ électromagnétique produit par le compteur lui-même, mais aussi par la communication CPL qui parcourt les câbles électriques vers le concentrateur de quartier et vers les appareils domestiques, sont très inférieurs aux valeurs limites d’exposition réglementaires. Les compteurs Linky, que ce soit en champ électrique ou magnétique, sont à l’origine d’une exposition comparable à celle d’autres équipements électriques déjà utilisés dans les foyers depuis de nombreuses années (télévision, chargeur d’ordinateur portable, table de cuisson à induction…) :
- de 0,08 à 3,9 v/m (selon labo ou maison, selon distance de mesure…) pour le champ électrique (écart entre le compteur et le bruit ambiant), soit 22 fois moins que la valeur limite qui est de 87 v/m. Même si ce champ est inférieur à celui des autres appareils domestiques (56 v/m pour une plaque à induction !), il faut rappeler que le Parlement européen et le Conseil de l’Europe préconisent une valeur limite d’environ 0,60 v/m.
- de 0,26 µT pour le champ électromagnétique (en maison à proximité du compteur), soit 24 fois moins que la valeur limite réglementaire de 6,25 µT (0,7 µT pour une plaque à induction).
L’ANSES a sollicité une campagne de mesures auprès du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), dont les résultats attendus prochainement pourront préciser l’exposition (a priori faible compte tenu du mode de fonctionnement) due au compteur Linky en situation réelle (temporalité, niveau d’exposition…). Ces mesures devraient notamment permettre une comparaison entre l’exposition aux anciens compteurs électromécaniques et celle due aux nouveaux compteurs Linky.
La CLCV considère que ces différentes expertises apportent un début de clarification mais qu’elles doivent être poursuivies, notamment pour les ondes émises par le réseau électrique domestique et par le concentrateur, par une campagne de mesures organisée par les différents partenaires. En effet le compteur Linky, qui représente quand même une intrusion dans l’espace privé, renforce en imposant des émissions supplémentaires le « bazar électromagnétique » dans lequel nous sommes plongés. C'est la raison pour laquelle les consommateurs doivent adopter de manière générale des comportements de prudence, par exemple pour le téléphone portable : ne pas dépasser plus de 20 mn de connexion par jour selon le cancérologue Dominique Belpomme alors que la moyenne des français l'utilise plus de 3 h par jour, ne pas coller le téléphone à l'oreille, utiliser des oreillettes, l'interdire aux enfants, etc.
2- Surcoût pour les abonnés : dans 2 % des cas seulement
Des opposants affirment qu’avec le compteur Linky, l’installation électrique n’arrête pas de se déclencher quand on met en marche deux appareils électroménagers (notamment ceux qui ont des résistances) et qu’il faut donc renforcer l’abonnement, ce qui revient plus cher à l’abonné.
Il faut savoir que les compteurs actuels ne réagissent pas automatiquement au dépassement de la puissance autorisée. Le compteur Linky, parce qu’il intègre un interrupteur, est plus réactif et coupe la ligne dès que la puissance est dépassée. On estime que seuls 2 % des usagers seraient concernés par cette hausse de la facture, selon une étude menée entre 2009 et 2011. Pour éviter ce problème, il faut donc souscrire un contrat avec abonnement supérieur (l’abonnement de base passe alors de 15 à 40 €), ou éviter de mettre en marche simultanément les appareils électriques, ou encore faire en sorte de réduire sa consommation (tous les appareils électriques sont-ils bien utiles ?).
3- Perturbations des appareils électriques : uniquement pour les lampes tactiles
Les opposants au compteur Linky évoquent aussi des pannes en série d’appareils électriques ou de lampes. Cet argument ne semble pas vérifié pour les appareils électriques. Il suffit simplement de réarmer le dispositif de sécurité qui s’est déclenché.
En revanche, ENEDIS admet les dysfonctionnements affectant les lampes tactiles qui se mettent à clignoter (une soixantaine de cas recensés) et annonce poursuivre les recherches avec les fabricants de ces lampes.
4- Protection des données personnelles : l’opacité la plus complète sur la question majeure
Le compteur Linky permettra de disposer de données plus importantes sur la consommation d’énergie des usagers. Chaque consommateur pourra d’ailleurs la consulter en cochant sur son compte internet l’activation de l’enregistrement de la courbe de charge. Aujourd’hui, rien ne garantit que ces données resteront confidentielles.
La CLCV rappelle que ces données personnelles sont la propriété exclusive des usagers. Aussi, pour notre association de consommateurs, en l’absence d’accord explicite et écrit de ceux-ci sur un accord de diffusion par le biais d’une case à cocher, ces données ne doivent faire l’objet d’aucune exploitation ou diffusion, par exemple pour la vente de listes à des tiers. La CLCV a donc interrogé les différents fournisseurs d’électricité (cf. notre lettre sur ce site) pour savoir selon quelles modalités ils prévoient d'enregistrer le refus ou le consentement du consommateur à la diffusion de ses données (sur le contrat ou sur un additif, par case explicite à cocher si accord de diffusion, etc.).
La CLCV rappelle enfin que le réseau de gaz (de 2017 à 2022) disposera aussi d’un compteur communicant qui utilise non pas le CPL mais une radiofréquence de 69 Mhz pour transmettre 2 à 6 fois par jour les informations de consommation. Il ne s'agit donc pas de la même technologie !
De même, les compteurs d’eau communicants reposent sur une technologie différente de celle du compteur Linky. Le compteur d’eau Suez intègre un émetteur radio de faible puissance fonctionnant sur la fréquence de 169 MHz.