CLCV Union Départementale du Finistère

La loi Climat & Résilience d’août 2021 a eu des incidences importantes dans le domaine de la copropriété, notamment en faisant du plan pluriannuel de travaux (ou PPT) la pierre angulaire de la réflexion sur la rénovation énergétique des immeubles. Cette mesure a ainsi pour objectif de favoriser la réalisation de travaux d’économie d’énergie et d’améliorer les conditions de vie des résidents. Elle permet également de planifier les travaux à venir. Cependant, pour que le projet arrive à son terme, il est indispensable que les copropriétaires, et notamment les conseillers syndicaux, s’impliquent dans ce dossier.

Les immeubles de plus de 15 ans à destination totale ou partielle d’habitation doivent élaborer un projet de plan pluriannuel de travaux (PTT) et l’actualiser tous les 10 ans. Cette mesure est applicable depuis le 1er janvier 2023, pour les syndicats de copropriétaires comprenant plus de 200 lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces ; du 1er janvier 2024, pour les syndicats de copropriétaires comprenant entre 51 et 200 lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces et à compter du 1er janvier 2025, pour les syndicats de copropriétaires comprenant au plus 50 lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces.

1. Quels sont les objectifs et le contenu du PPT ?

Le PPT a pour objectif d’anticiper et de planifier les études et les travaux concernant les parties communes ainsi que les dépenses y afférentes. Il répond à trois enjeux principaux : la conservation du bâtiment pour prévenir le mécanisme naturel de son vieillissement, la protection des occupants et la rénovation énergétique. Ce projet comprend, à partir d’une analyse du bâti et des équipements de l’immeuble ainsi que du diagnostic de performance énergétique et du diagnostic technique global, lorsqu’ils ont été réalisés :

  • la liste des travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité des occupants, à la réalisation d’économies d’énergie et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; 
  • une estimation du niveau de performance que lesdits travaux permettent d’atteindre ;
  • une estimation sommaire du coût de ces travaux et leur hiérarchisation;
  • une proposition d’échéancier pour les travaux dont la réalisation apparaît nécessaire dans les dix prochaines années.

Plus précisément, le plan pluriannuel de travaux comporte les éléments suivants :

  • Les résultats de l’enquête de perception par les occupants du confort thermique et phonique ressenti.
  • L’inventaire des travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité des occupants, à la réalisation d’économies d’énergie et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
  • Les études de faisabilité et d’opportunité si certaines ont été conduites.
  • Les feuilles de route décrivant le descriptif et les processus de réalisation des travaux.
  • La prévision des performances attendues pour chaque geste suite à la réalisation souhaitée des travaux contenus dans le PPT, sous forme de différents scénarios, chacun permettant d’obtenir un gain énergétique différent selon la nature des travaux à réaliser. 
  • L’évaluation du coût des travaux, y compris le retour sur inves- tissement pour chaque geste.

Si un diagnostic technique global a été réalisé et s’il conclut à l’absence de besoin de réaliser des travaux sur les 10 prochaines années, alors le syndicat est dispensé de l’obligation d’élaborer un projet de PPT.

2. Quel intérêt à concevoir un PPT ?

Le plan pluriannuel de travaux s’inscrit au cœur de la stratégie gouvernementale qui promeut l’évolution vers une société neutre en carbone. Son rôle est d‘assurer la conservation de l’immeuble, la préservation de la santé et de la sécurité des occupants, ainsi que la conduite de travaux de rénovation pour optimiser la per- formance énergétique. Les avantages liés à la rédaction d’un PPT. En voici trois.

1. Limiter la détérioration de l’immeuble et valoriser le patrimoine

C’est l’objectif principal du plan pluriannuel de travaux : faire en sorte que les copropriétaires s’intéressent à l’état de leur bâtiment pour mieux le préserver. Selon le registre d’immatriculation des copropriétés tenu par l’ANAH, en 2023, sur 211 003 copropriétés enregistrées, 57 % d’entre elles présentent un risque de fragilité, et 7 %, un risque important. Autre- ment dit, près de 2 copropriétés sur 3 ont des difficultés financières plus ou moins importantes impactant la faisabilité de la réalisation de travaux d’entretien, de conservation et d’économie d’énergie.

2. Identifier les travaux nécessaires

La rédaction d’un PPT permet de cibler les différents travaux à prévoir pour les dix prochaines années. Ces opérations peuvent avoir pour finalité la prévention des risques, l’entretien courant et la maintenance du bâtiment. De plus, le PPT présente l’avantage de définir précisément les actions prioritaires pour faire des économies d’énergie et réduire les émissions de gaz à effet de serre, telles que l’isolation de l’immeuble (toitures-terrasses, murs, combles, etc.).

3. Budgétiser et hiérarchiser les travaux

Au-delà de l’identification de la nature des travaux portant sur les parties communes, l’atout principal du plan est d’estimer à l’avance le coût de chaque chantier. Le fait de programmer et de chiffrer les actions à lancer permet de provisionner chaque année les fonds en conséquence afin d’éviter un ajournement. L’objectif du PPT consiste ainsi à faciliter la prise de décisions communes, particulièrement diffi- ciles à concrétiser en copropriété. En outre, cette planification financière sera consultable par les potentiels acquéreurs : ils pourront s’informer sur leurs futures charges, ce qui limitera d’éventuels impayés.

3. Qui doit réaliser le PPT ?

Le projet de plan pluriannuel de travaux est élaboré par un profes- sionnel dont les garanties et compétences sont définies par décret. Dans la pratique, les personnes habilitées à réaliser un Diagnostic technique global (ou DTG) peuvent également élaborer le PPT, mais cela n’est pas automatique.

Ainsi, le professionnel qui établit un projet de plan pluriannuel de travaux doit justifier que lui-même ou ses employés possèdent les compétences requises dans les domaines suivants :

  • les modes constructifs traditionnels et contemporains, tant en gros œuvre qu’en second œuvre ;
  • les bâtiments, les produits de construction, les matériaux de construction, les équipements techniques ;
  • les pathologies du bâtiment et de ses équipements ;
  • la thermique des bâtiments et les possibilités d’amélioration énergétique et de réhabilitation thermique et leurs impacts po- tentiels notamment acoustiques ;
  • l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre du bâtiment et des possibilités de réduction de celles-ci ;
  • la terminologie technique et juridique du bâtiment, dans son acception par l’ensemble des corps d’état, en rapport avec l’en- semble des domaines de connaissance mentionnés ci-dessus ;
  • les textes législatifs et réglementaires relatifs aux normes sa- nitaires et de sécurité afférentes à l’habitat ;
  • les équipements nécessaires au bon déroulement de la mission.

Il doit également attester de ses compétences, ou de celles de ses employés, par la production :

  • d’un diplôme sanctionnant une formation du niveau de l’enseignement supérieur d’une durée minimale de trois ans ou d’une durée équivalente à temps partiel dans le domaine des techniques du bâtiment, dispensée dans une université ou un établissement d’enseignement supérieur ou dans un autre établissement de niveau équivalent,
  • diplôme ayant été délivré par une autorité compétente d’un État de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;
  • d’un titre professionnel dans le domaine des techniques du bâtiment de niveau équivalent ;
  • d’une certification de qualification professionnelle dans le do- maine des techniques du bâtiment de niveau équivalent ;
  • d’une attestation d’inscription au tableau d’un ordre profession- nel reconnu dans le domaine de l’immobilier.

Enfin, la personne intervenant en vue de la réalisation du projet de plan pluriannuel de travaux doit attester sur l‘honneur de son im- partialité et de son indépendance envers le syndic (sauf autorisation expresse de l’assemblée générale conférée au titre du 2ème alinéa du II de l’article 18-1 A de la loi du 10 juillet 1965. Elle doit, en outre, attester sur l’honneur de son impartialité et de son indépendance à l’égard des fournisseurs d’énergie et des entreprises intervenant sur l’immeuble et les équipements sur lequel porte le projet de plan pluriannuel de travaux.

Si elle a souscrit une assurance de responsabilité civile professionnelle lui permettant de couvrir les conséquences d’un engagement de sa responsabilité en raison de ses interventions, elle en justifie auprès du syndicat des copropriétaires représenté par le syndic en lui remettant une attestation qui précise les compétences couvertes. La personne proposant ses services en vue de la réalisation d’un projet de plan pluriannuel de travaux ou sollicitée à cette fin ne peut accorder, directement ou indirectement, au syndicat des copropriétaires pour lequel le projet de plan pluriannuel de travaux doit être établi et à ses représentants, aucun avantage ni rétribution, quelle qu’en soit la nature. Elle ne peut recevoir, directement ou indirectement, pour elle-même, ses membres ou ses employés, de la part d’une entreprise pouvant réaliser des travaux sur les ouvrages, installations ou équipements sur lesquels porte sa prestation, aucun avantage ni rétribution, quelle qu’en soit la nature.

4. Comment le conseil syndical peut-il intervenir ?

L’implication du conseil syndical est essentielle, depuis la proposition d’élaborer le PPT jusqu’au suivi des travaux. C’est pourquoi il est recommandé de constituer une « commission énergie et travaux », laquelle portera le projet tout au long de sa réalisation auprès des copropriétaires avec une forte contribution du syndic. Le « pilote » de cette commission sera chargé d’animer le travail et de rendre compte de l’avancement de l’étude et de la réalisation du PPT. Il pourra également assister à la réception des travaux aux côtés du syndic. En parallèle, les conseillers syndicaux n’étant pas des profes- sionnels, il est préférable de s’adjoindre les services d’un assistant à maîtrise d’ouvrage (ou AMO), lequel travaillera conjointement avec les membres du conseil syndical. De même, le réseau France Rénov peut fournir des aides et informations très utiles sur le sujet (france-renov.gouv.fr).

5. Comment est voté le PPT ?

Le syndic inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale les mo- dalités d’élaboration du projet de PPT, qui sont votées à la majorité de l’article 24. Les travaux prescrits dans le plan pluriannuel de travaux ainsi que leur échéancier et, le cas échéant, ceux prescrits par le diagnostic technique global sont intégrés dans le carnet d’en- tretien de l’immeuble. Le projet de PPT est présenté à la première assemblée générale qui suit son élaboration ou sa révision. Lorsque ce projet de plan fait apparaître la nécessité de réaliser des travaux au cours des dix prochaines années, le syndic inscrit à l’ordre du jour de cette assemblée générale la question de l’adoption de tout ou partie du projet de plan pluriannuel de travaux, qui est soumise à la majorité de l’article 25.

Au regard des décisions prises par l’assemblée générale, le syndic inscrit ensuite à l’ordre du jour de chaque assemblée générale ap- pelée à approuver les comptes, soit la question de l’adoption de tout ou partie du projet de plan pluriannuel de travaux, s’il n’a pas été adopté, soit les décisions relatives à la mise en œuvre de l’échéancier du plan pluriannuel de travaux adopté. Il existe donc deux étapes. La première concerne la réalisation du projet de PPT, laquelle est obligatoire. La seconde étape concerne l’adoption de tout ou partie du PPT. Sur ce point, on notera qu’il n’y a pas d’obligation de voter la réalisation des travaux en question. Toutefois, il en résultera une véritable « guerre d’usure », le syndic devant mettre la question de son adoption à chaque assemblée générale.

6. Quelles sanctions en l’absence de réalisation du PPT ?

Les textes ne prévoient pas de sanctions spécifiques en l’absence d’éla- boration du PPT. Toutefois, dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne, l’autorité administrative compétente peut, à tout moment, demander au syndic de lui transmettre le plan pluriannuel de travaux adopté afin de vérifier que les travaux programmés permettent de garantir la sauvegarde de l’immeuble et la sécurité de ses occupants.

À défaut de transmission du PPT adopté dans un délai d’un mois à compter de la notification de la demande ou si le plan transmis ne prescrit manifestement pas les travaux nécessaires à la préservation de la sécurité des occupants de l’immeuble, l’autorité administrative peut élaborer ou actualiser d’office le projet de plan pluriannuel de travaux, en lieu et place du syndicat des copropriétaires et aux frais de ce dernier.

7. Quelles sont les incidences du PPT sur le fonds de travaux ?

Le fonds de travaux est alimenté par une cotisation obligatoire dont le montant ne peut être inférieur à 5 % du budget prévisionnel. Toutefois, en cas d’adoption du plan pluriannuel de travaux,

le montant de la cotisation annuelle ne peut être alors inférieur à 2,5 % du montant des travaux prévus dans le plan pluriannuel et à 5 % du budget prévisionnel.

Décret n° 2022-663 du 25 avril 2022

Décret fixant les compétences et les garanties exigées pour les personnes établissant le projet de plan pluriannuel de travaux des immeubles soumis au statut de la copropriété.

Article de clcv.org
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